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De l’autre côté
De la petite fille
Couleur de terre
Y’avait le soleil
Qui gardait ses moutons
Parqués par l’océan
Et la ligne d’horizon
De l’autre côtéDe l’autre côté
Des rues grouillantes d’enfants
Y’avait la faim
Qui tenaillait les ventres
Avides de safran
Et saoulés par la menthe
De l’autre côtéDe l’autre côté
Des richesses d’or et d’argent
Y’avait cette femme
Qui tendait les deux mains
Les yeux absents
Oubliés du destin
De l’autre côtéDe l’autre côté
Des marchés des couleurs
Y’avait cette odeur
De chair putréfiée
Mariée avec le vent
Qu’on ne peut éviter
Jusqu’à l’océan
De l’autre côtéDe l’autre côté
Des hommes habillés de chaleur
Y’avait ces ombres
Froides et tranchantes
Que l’on ne peut comprendre
Qui se meuvent avec les heures
Interminables et lentesDe l’autre côté
De l’autre côtéGuy Garnier
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" Hommage à la vie
C’est beau d’avoir élu
Domicile vivant
Et de loger le temps
Dans un cœur continu,
Et d’avoir vu ses mains
Se poser sur le monde
Comme sur une pomme
Dans un petit jardin,
D’avoir aimé la terre,
La lune et le soleil,
Comme des familiers
Qui n’ont pas leurs pareils,
Et d’avoir confié
Le monde à sa mémoire
Comme un clair cavalier
A sa monture noire,
D’avoir donné visage
À ces mots : femme, enfants,
Et servi de rivage
À d’errants continents,
Et d’avoir atteint l’âme
À petits coups de rame
Pour ne l’effaroucher
D’une brusque approchée.
C’est beau d’avoir connu
L’ombre sous le feuillage
Et d’avoir senti l’âge
Ramper sur le corps nu,
Accompagné la peine
Du sang noir dans nos veines
Et doré son silence
De l’étoile Patience,
Et d’avoir tous ces mots
Qui bougent dans la tête,
De choisir les moins beaux
Pour leur faire un peu fête,
D’avoir senti la vie
Hâtive et mal aimée,
De l’avoir enfermée
Dans cette poésie. "
Jules Supervielle
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