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    "Le souffle poétique, avant d’être une métaphore, est une réalité qu’on pourrait trouver dans la vie du poème si l’on voulait suivre les leçons de l’imagination matérielle aérienne. Et si l’on donnait plus d’attention à l’exubérance poétique, à toutes les formes du bonheur de parler doucement, rapidement, en criant, en murmurant, en psalmodiant…on découvrirait une incroyable pluralité des souffles poétiques.

    Aussi bien dans la force que dans la douceur, aussi bien dans la colère poétique que dans la tendresse poétique, on verrait en action une économie dirigée des souffles, une administration heureuse de l’air parlant. Telles sont du moins les poésies qui respirent bien, tels sont du moins les poèmes qui sont de beaux schèmes dynamiques de respiration. Il est des mots qui, à peine prononcés, à peine murmurés, apaisent en nous des tumultes. Quand il sait les unir dans leur vérité aérienne, le poème est parfois un merveilleux calmant. Le vers âpre et héroïque sait garder aussi une réserve de souffle. Il donne à la voix brève qui commande une durée vibrante, à l’excès de force il donne la continuité. Un air tonique, une matière de courage coule à flots dans le poème.

    Toute poésie – non seulement la poésie déclamée, mais la poésie lue en silence – est sous la dépendance de cette économie primitive des souffles. Les types imaginaires les plus divers, qu’ils appartiennent à l’air, à l’eau, au feu, à la terre, dès qu’ils passent de la rêverie au poème, viennent participer à une imagination aérienne par une sorte de nécessité instrumentale. L’homme est un tuyau sonore. L’homme est un roseau parlant."

    Gaston Bachelard, L’Air et les songes, Essai sur l’imagination du mouvement, p. 309 – 310

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