• " Homme, contente-toi de cette soif béante ;
    Mais ne dirige pas vers Dieu ta faculté
    D'inventer de la peur et de l'iniquité,
    Tes catéchismes fous, tes korans, tes grammaires,
    Et ton outil sinistre à forger des chimères.
    Vis, et fais ta journée ; aime et fais ton sommeil.
    Vois au-dessus de toi le firmament vermeil ;
    Regarde en toi ce ciel profond qu'on nomme l'âme ;
    Dans ce gouffre, au zénith, resplendit une flamme.
    Un centre de lumière inaccessible est là.
    Hors de toi comme en toi cela brille et brilla ;
    C'est là-bas, tout au fond, en haut du précipice.
    Cette clarté toujours jeune, toujours propice,
    Jamais ne s'interrompt et ne pâlit jamais ;
    Elle sort des noirceurs, elle éclate aux sommets ;
    La haine est de la nuit, l'ombre est de la colère !
    Elle fait cette chose inouïe, elle éclaire.
    Tu ne l'éteindrais pas si tu la blasphémais ;
    Elle inspirait Orphée, elle échauffait Hermès ;
    Elle est le formidable et tranquille prodige ;
    L'oiseau l'a dans son nid, l'arbre l'a dans sa tige ;
    Tout la possède, et rien ne pourrait la saisir ;
    Elle s'offre immobile à l'éternel désir,
    Et toujours se refuse et sans cesse se donne ;
    C'est l'évidence énorme et simple qui pardonne ;
    C'est l'inondation des rayons, s'épanchant
    En astres dans un ciel, en roses dans un champ ;
    C'est, ici, là, partout, en haut, en bas, sans trêve,
    Hier, aujourd'hui, demain, sur le fait, sur le rêve,
    Sur le fourmillement des lueurs et des voix,
    Sur tous les horizons de l'abîme à la fois,
    Sur le firmament bleu, sur l'ombre inassouvie,
    Sur l'être, le déluge immense de la vie !
    C'est l'éblouissement auquel le regard croit.
    De ce flamboiement naît le vrai, le bien, le droit ;
    Il luit mystérieux dans un tourbillon d'astres ;
    Les brumes, les noirceurs, les fléaux, les désastres
    Fondent à sa chaleur démesurée, en tout
    En sève, en joie, en gloire, en amour, se dissout ;
    S'il est des cœurs puissants, s'il est des âmes fermes,
    Cela vient du torrent des souffles et des germes
    Qui tombe à flots, jaillit, coule, et, de toutes parts,
    Sort de ce feu vivant sur nos têtes épars.
    Il est ! il est ! Regarde, âme. Il a son solstice,
    La Conscience ; il a son axe, la Justice ;
    Il a son équinoxe, et c'est l’égalité ;
    Il a sa vaste aurore, et c'est la Liberté.
    Son rayon dore en nous ce que l'âme imagine.
    Il est ! il est ! il est ! sans fin, sans origine,
    Sans éclipse, sans nuit, sans repos, sans sommeil. "

    (Victor Hugo, Conclusion)

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